La dénutrition du fœtus est la résultante de facteurs génétiques et épigénétiques
Claude Billeaud
Pédiatre à l’unité néonatale de l’hôpital pour enfants de Bordeaux (33), responsable de la recherche en alimentation du nouveau-né à la faculté de médecine de Bordeaux, docteur en nutrition, membre de l’Académie européenne d’enseignement de la pédiatrie (AEEP).
Le Collectif de lutte contre la dénutrition : La dénutrition est-elle fréquente chez les nourrissons ?
Claude Billeaud : Environ 7 % des fœtus naissent dénutris « hypotrophes » Ils sont généralement hospitalisés lorsqu’ils pèsent moins de 2 400 g et ne peuvent s’alimenter naturellement. On peut parfois mettre un terme à la grossesse prématurément pour mieux nourrir le fœtus à l’extérieur. Lorsque celui-ci vient au monde, la nutrition parentérale et/ou entérale, par sonde gastrique, est nécessaire, car ses besoins nutritionnels sont extrêmement élevés. Le plus souvent, la dénutrition s’accompagne d’une osteopénie, c’est-à-dire d’un manque de calcium dans les os, avec très rarement des fractures. Grâce à un suivi régulier (tous les 6 mois), un apport de lait enrichi en vitamines (500 ml/j), notamment en calcium et en vitamine D (1 000 UI/j), nous arrivons la plupart du temps à lui faire récupérer son poids et sa taille avant 3 ans, L’osteopenie guérit ainsi habituellement à l’âge de 3 ans. Lorsque ce n’est pas le cas, l’hormone de croissance peut être envisagée, surtout si la croissance en taille est fortement touchée.
CLD : Quelles en sont les causes ?
CB : Elles sont souvent d’origine placentaire, maternelle ou génétique. Il faut savoir qu’une femme anorexique sera stérile ou mettra au monde un enfant dénutri. Le tabac, l’alcool et les drogues peuvent également causer des dénutritions aggravantes qui vont affecter la croissance et le développement cérébral du fœtus. Enfin, les femmes qui travaillent beaucoup et ne mangent pas suffisamment pendant leur grossesse font des enfants petits avec un risque de dénutrition accru. C’est pourquoi il faut multiplier les messages de prévention en alertant les femmes enceintes sur les conséquences de leur hygiène de vie et alimentaire sur développement de l’enfant. Il faut également améliorer leur confort et ne pas hésiter à prescrire un arrêt-maladie qui coûtera beaucoup moins cher que l’hospitalisation du bébé après sa naissance.
CLD : Est-ce qu’un enfant hypotrophe court des risques de maladies cliniques à l’âge adulte ?
CB : L’importance de la nutrition durant les 1 000 premiers jours est capitale, car les carences peuvent entraîner des maladies graves à l’âge adulte : obésité, diabète, cancers, maladies cardiovasculaires. Un suivi nutritionnel minutieux durant cette période est donc primordial, car la santé de l’enfant est déterminée à la fois pas des facteurs génétiques et épigénétiques, le rôle de l’acquis venant s’ajouter à celui de l’inné.