L’équilibre nutritionnel est la condition d’un vieillissement harmonieux

Jean-Pierre Aquino

Gériatre et médecin de santé publique, conseiller technique de la fondation Médéric Alzheimer, président du comité « Avancée en âge, prévention et qualité de vie », auteur d’un rapport sur la prévention, préparatoire à la loi d’Adaptation de la société au vieillissement (ASV).

CLD : Vous êtes l’auteur du rapport « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société », sur lequel s’appuie la loi ASV. En quoi la prévention de la dépendance est-elle un enjeu sociétal ?

Jean-Pierre Aquino : La France est confrontée à une double transition, démographique et épidémiologique. La première correspond à un vieillissement de la population, caractérisé par un allongement de l’espérance de vie avec pour conséquence une augmentation du nombre de personnes âgées de 60 ans et plus. Celui-ci devrait atteindre en 2060 le seuil des 20 millions contre 15 actuellement. La seconde résulte de la disparition progressive, grâce aux progrès de la médecine, des maladies infectieuses ou létales au profit des maladies chroniques, comme le sida ou le cancer, et à l’émergence de maladies invalidantes, notamment neurodégénératives, consécutive à l’augmentation de l’espérance de vie. Ces données justifient la nécessaire intégration du vieillissement dans les politiques publiques et le renforcement de la prévention car la perte d’autonomie implique de lourdes conséquences au niveau individuel et collectif. En ce sens, la loi ASV représente un changement de paradigme porté par un dispositif extrêmement novateur que constituent les conférences des financeurs, chargées d’établir un diagnostic des besoins au niveau de chaque département et dont le but est de proposer une vision globale des questions qui se posent au cours de l’avancée en âge.

CLD : Le rapport formule-t-il des recommandations concernant l’alimentation?

JPA : La promotion d’une alimentation favorable à la santé est un des axes forts de ce rapport. L’enjeu majeur est de préserver un bon état nutritionnel en donnant les moyens aux personnes âgées d’adapter leur consommation alimentaire et en tenant compte des maladies qui impactent cette dernière, comme l’insuffisance cardiaque et les régimes hyposodés. Il s’agit de les sensibiliser à l’importance d’une nutrition de qualité et au maintien du plaisir de manger. Pour cela, plusieurs mesures sont proposées afin notamment de développer et mutualiser les actions de prévention collectives (forums, conférences, ateliers), complémentaires aux outils existants (sites internet1, brochures, guides nutrition et bien vieillir disponibles sur le site de l’Inpes…).

CLD : La lutte contre la dénutrition fait-elle partie des objectifs affirmés dans ce rapport ?

JPA : La dénutrition constitue un risque majeur de dégradation de la qualité de vie. L’objectif est donc de réduire sa prévalence à partir des trois leviers d’action suivants : le dépistage, la prise en charge et la prévention. Celle-ci nécessite une démarche active des professionnels de santé pour l’identification des situations à risque de dénutrition, l’organisation si nécessaire d’une assistance (livraison de repas à domicile, aide aux repas et/ou aux courses), mais également l’éducation du patient et de son entourage afin qu’il sache réagir à toute modification de l’appétit et de l’alimentation chez un proche ou à toute perte de poids, qu’elle soit involontaire ou provoquée par une anorexie. Le repérage de la fragilité doit notamment permettre d’identifier les personnes à risque susceptibles de bénéficier d’interventions préventives.