40 voix contre la dénutrition
Parce que la dénutrition accroît le risque d’infections nosocomiales, de complications postopératoires, d’escarres, de séjours prolongés en hôpital, de décès, et surtout parce qu’elle interroge l’humanisme au coeur même de notre système de soins, l’urgence de mieux faire connaître la maladie n’a cessé de s’affirmer. En 2016, elle conduit le Collectif de lutte contre la dénutrition à orchestrer une véritable campagne de sensibilisation à son sujet.
Et quel meilleur vecteur de prise de conscience que les réflexions juxtaposées des témoins les plus qualifiés de notre époque ?
C’est en ce sens que le Collectif a interviewé une quarantaine de figures faisant autorité pour leur donner la parole, et amplifier la portée de leur propos collectif :
- la description de tous les enjeux
- toute les notions clefs
- les chiffres
- les analyses
Une lecture indispensable pour prendre connaissance des enjeux de la dénutrition selon et pour :
- les médecins et les soignants : nutritionnistes, diététiciens, pédiatres, gériatres, dentistes, kinésithérapeutes
- les représentants du milieu associatif
- les analystes des sciences humaines : psychologues, sociologues, anthropologues et chercheurs
- les politiques
- les représentants religieux
Une parole pour dénoncer l’incrédulité
Pour les politiques, la dénutrition est d’abord une maladie qui s’ignore, ou que l’on ignore, faute de connaissances suffisantes, de sensibilisation ou de prise de conscience de son importance. Liberté. Egalité. Incrédulité… on aurait envie de dire. Et ainsi, Jérôme Guedj d’affirmer : “Nous sommes incrédules face à la dénutrition qui n’est pas médiatisée et sa reconnaissance constitue un aveu d’échec de nos sociétés”.
Nutritionnistes et diététiciens insistent eux-aussi sur la méconnaissance de la maladie. “Les patients ne sont généralement pas conscients de la gravité de la dénutrition”, précise Marie-France Vaillant, diététicienne. Les praticiens de l’alimentation présentent leurs frustrations, mais expliquent leurs initiatives et leurs avancées.
Les enjeux sont parfois différents en fonction des catégories de patients. Pédiatres et gériatres forment deux collèges aux approches spécialisées et adaptées ; les maladies du grand âge ne sont pas celles de la petite enfance et les enjeux du développement et de la croissance ne sont pas ceux du bien bien vieillir.
Ils décortiquent les mécanismes de la dénutrition, ses liens étroits avec la malnutrition, la fragilité, la sarcopénie, l’isolement, la solitude, la convivialité, la mobilité physique et la dépendance. Et les religieux de décrire, quant à eux, les liens avec la spiritualité.
Le milieu associatif n’est pas en reste. Lui aussi décrit les cercles vicieux et cercles vertueux. Il insiste particulièrement sur l’urgence de repenser l’approche globale des soins.
Si chacun se focalise sur des spécificités propres, tous s’accordent sur le plaisir comme vecteur de travail, de soin, d’efficacité et finalement, de sens et d’humanité.
Le paradoxe de la chance
Enfants, adultes et personnes âgées réunis, la dénutrition concerne environ 30 % des malades hospitalisés, et c’est d’ailleurs à l’hôpital que se concentre le plus de dénutris. “Pourtant l’hôpital représente un lieu particulièrement propice au diagnostic de la dénutrition et au démarrage de la prise en charge nutritionnelle, qui pourra ensuite être poursuivie à domicile.” relève Agathe Raynaud-Simon, gériatre. C’est donc potentiellement une immense chance.
Mais la France semble peiner à saisir cette chance. Rappelons que c’est au pays des plaisirs épicuriens de la bouche et de la table que l’on trouve les pire plateaux repas en établissements…
Des cris d’alarme s’élèvent pour alerter sur le risque de transformer les établissements en “usines à soins techniques” s’indigne Frédéric Pierru, Sociologue : “La tarification à l’activité (T2A) joue contre tout ce que l’on considère abusivement comme périphérique au soin (entendu comme « cure ») à proprement parler. Le climat d’urgence budgétaire conduit les établissements à considérer tout ce qui appartient au médico-social, au psychologique, à la logistique, et, plus généralement, au care, comme non urgent. … Des soins de qualité ne passent pas seulement par le high-tech, mais par une considération de la globalité de la personne malade. L’humanisme n’est pas le supplément d’âme de la médecine industrielle. Il est la condition même de l’efficacité de cette dernière.”
Si tous les experts attestent d’une situation alarmante, une volonté, un enthousiasme partagé pour les premiers jalons, et une confiance en l’avenir se dégagent néanmoins de l’ensemble des témoignages recueillis par le Collectif de lutte contre la dénutrition. Un enthousiasme, certes, mais aussi un appel à plus de soutien et de relais.